A Ramazan Badjivan Homme sublime.

 

 

Il a laissé trainer sur le bord du chemin,

Quelques douces paroles sur l’Anatolie

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie.

Il est parti avec ses bagages à la main.

 

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie,

Analphabète au sourire plein de lumière

Qui un soir enfumé a voulu tuer mon père.

Qui au petit matin lui a offert sa vie.

 

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie,

Plein de rires et, je l’ai vu, de larmes amères,

Au souvenir des gorges tranchées dans la guerre,

Avec son propre couteau, en Corée, la nuit.

 

 

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie

Mon père me l’a dit était une terreur

Devant son chibre puissant les putes avaient peur

Fuyant la mort il embrassait à la folie.

 

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie,

Avait un rêve simple, devenir un pacha,

Aimé des femmes, entouré d’amis, voilà 

Une vie. Celle rêvée en Anatolie.

 

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie,

Le rire, devant les larmes, et devant la peur

La générosité des mains de travailleur.

Un homme sauvage et doux a vécu ici.

 

Ramazan, quelles étaient douces les longues nuits,

Et bien dures les journées pleines de labeur

Mal payées avec en prime un rire moqueur.

Il s’en fichait pas mal, mon ami de Turquie.

 

Cahin, caha, il avait  un rêve, une vie.

Ramazan Badjivan mon ami de Turquie,

Il est reparti un matin, et loin de là

Près d’Izmir se repose Badjivan pacha.

 

 

C'est un des bouts du monde

Où,

La terre et l'océan s'embrassent

Où,

Comme les jours passent 

Ils s'enlacent,

Et nous restons entre deux eaux

Entre vie et mort

A promener le regard ver l'étendue, 

A mener nos pas au bord,

Perdus;

Nous ne savons pas

Plonge le chemin

Mais,

Même si la pierre s'arrête ici

L'âme est aspirée vers d'autres routes.

Alors

Elle pleure, elle doute,

Elle étend ses grandes ailes

Et triste attend un souffle qui ne viendra pas.

Au bout du monde les voiles sans vent

Tombent à l'eau.

Des abîmes de l mémoire, ou du calvaire d'être digne

 

Il y’avait une vague,

Qui  un beau matin,

S’est levée.

Elle m’a emporté.

 

J’ai nagé un peu à sa surface,

J’ai plongé entre deux eaux, un peu

J’ai coulé dans son abîme.

J’ai pleuré et grossi la marée.

 

Je, je je…

Trop petit au milieu des éléments,

Trop seul.

Seul à en crever,

A des miles au milieu de mes trouilles.

 

J’ai avalé des litres de pure peur.

Je ne pouvais pas lutter.

 

Submergé, j’ai cru crevé.

 

Mais non, on ne s’échappe pas comme ça.

Ma face sombre est toujours à mes trousses.

Au détour d’une pensée noire, elle surgit de ma mémoire.

 

Et la voix me dit que je ne peux pas.

Que je ne mérite pas.

Que ce n’est pas ma place…

Que je suis trop minable pour vouloir…

Parce que quoi ?

Parce que ceux d’avant étaient plus fort, plus grands

Et que  moi, là, je suis l’ombre de leur ombre !

 

Alors voilà ma prière : va crever ! Salope de mémoire.

Allez crever grands hommes et petits merdeux !

Vous n’êtes plus ou plus rien !

Et avec mes dernières tripes je vous dit MERDE !

Parce que moi alors que vous êtes allongés volontaires

Ou pourris au fond des cimetières,

Je vous le dis, en vérité, je ne suis pas mort !

Je tangue mais debout, et entre deux eaux,

Ni grand ni minable, pas vraiment beau,

Je vous tends un doigt bien haut.

Un dernier.

 

 

J'aimerais tant sur l'accent du verbe enlacer,
Voir s'enrouler tout doucement un moment tendre.
Un frolement qui lentement viendrait s'étendre,
Qui sur la peau frémissante viendrait souffler.

J'aimerais un accent d'ailleurs sur la langue,
Et un voile d'étincelles sur le regard,
Et un esprit qui part,
Qui laisse, 
Le corps orphelin de l'âme.

J'aimerais des sens qui papillent sur la peau.
Qui pétillent et s'électrisent !

Sans paroles je voudrais une histoire.
Qui raconte que toi, que moi, 
De caresses en soupirs nous balladons
Nos corps et nos âmes côtes à côtes.

J'aimerais ma belle aimer à nouveau .
Un jour.

Chant de Noël. 1.

 

Je porte, dans ma hotte

Bien des douceurs,

Quelques douleurs,

Le poids des haines et des amours qui suivirent.

Il y a des étincelles qui pétillent dans mon dos

Elles viennent du firmament des yeux anciens.

De contes à la veillée, quand les aïeuls

Racontent. Seuls.

J'ai des chansons emballées dans du feutre fin.

Avant de les ouvrir, on n'entend rien.

Seulement un murmure qui chante comme un dernier souffle,

Le pays abandonné, les ballades sous les arbres,

Un souffle qui couche les blés,

Les amis un soir d’été.

J’ai dans ma hotte,

Des cahiers d’écoliers aux pages jaunis,

Et aux noms effacés.

J’ai dans ma hotte des vies et ce qu’il en reste.

Mais je n’ai pas les cœurs pour écouter.

 

Chant de Noël 2.

 

J’ai sous les yeux,

Au fond de ma hotte,

La neige et le silence.

Avec de loin en loin un gémissement.

Parfois humain.

Parfois pire, la course d’un cheval mourant.

J’ai sous les yeux le courage et la grandeur

Et sa valeur : des tâches de sang dans la neige de janvier.

J’ai le regard lointain au souvenir d’une voix.

Son chant court encore sur ma peau,

Au rythme du courage et de la folie,

Du talent sans mesure des guerriers de l’est.

Son chant s’élève et s’éteint dans ma mémoire,

Comme la dernière charge des cavaliers cosaques.

Face à l’acier, face à la haine, comme un dernier hommage

Comme une gloire aux hommes

Répandue dans la neige.

La voix se fait silence. Un canon est froid.

Qui ne veut pas tirer pas sur les hommes.

Sur le champ de mort, la voix ne le dit pas,

Mais il reste un homme.

 

Chant de Noël 3.

 

Dans ma hotte,

Il reste plein de vie, bien emballée,

Pour que  l’obscurité ne la glace pas.

Il y’a des femmes aux ventres accueillant

Quand la raison des hommes s’envole

Et des boissons pour réchauffer les âmes

Des damnés, que leur conscience torture.

Il y a de la vie et des cris d’enfant

Naissant au milieu du fracas des armes.

Des fêtes et de la joie pour se dire qu’on est vivant,

Ou pas mort.

 

Chant de Noël 4

 

Il y’a dans ma hotte,

Quatre bouts de bois, ou un peu plus,

Qui disent un mot :

Non.

Non, jusqu’au dernier souffle.

Non à l’aube et

Non au soir.

Non à la douceur lorsqu’il faut choisir sa voie,

Les chemins du devoir que prend l’enfant

Pour soi et pour les siens, et qui le font homme.

Il y’a le non à l’enfance,

Il y’a, je le sais, le non à la défaite.

Il y’a le non à la haine.

Non aux cœurs qui se ferment, non aux lâches,

Non, non, non, milles non,

Pour pouvoir à la fin, une dernière fois,

Se regarder et mourir.

 

Chant de Noël 5

 

Il y’a dans ma hotte,

Un parfum qui n’est pas un parfum de femme,

Pas seulement.

Un parfum de cliquetis et de douceur,

Quand les mères tricotent aux enfants

Des moufles ou des gants.

Un parfum de foyer qui attend, qui prépare

Pour l’amant ou le mari

Un petit moment de vie.

Ce sont milles tâches chaque jour qui rappellent

Que sous le toit la vie et la chaleur attendent. Attendent.

Et chaque jour pour un moment volé au milieu de la nuit,

Pour un temps dans la fuite, quand la mort est proche,

Pour le baiser qu’il doit emporter dans l’ombre,

Toute une vie perce et s’installe.

Pour que quelque chose reste encore. Après.

 

Dernier chant

 

Ma hotte est vide,

Mais sur mon dos elle pèse toujours,

Comme des mains chaudes et douces,

Comme une caresse sur le visage.

Toute la douceur du monde ici

Est là en souvenir des terres abandonnées,

Du foyer au feu éteint,

Des sacrifices et des remords…

De voir les imbéciles reprendre de la vigueur,

Comme si, les héros de la nuit et de l’ombre ;

Comme si, ceux qui disent non pour être debout,

Comme si, les cris d’agonie des batailles,

Comme si, le chant des corbeaux dans les villages,

Comme si, les charognes des mères

Comme si, les carcasses des enfants.

Comme si, O dieux, tout le sang

Etait vain.

Comme s’ils ne savaient pas, les imbéciles,

Où mène leur chemin.

Que l’important n’est pas la couleur des hommes,

Mais comment et pourquoi ils meurent. Et vivent.

Noël va passer, j’ai laissé un dernier présent,

Venu d’un autre temps, un chant,

En mémoire d’un hiver trop froid en 42,

D’une mer glacée un peu plus tard,

De voitures filant sans phare sous la lune.

Je laisse un peu de mon devoir, une histoire,

Qui est à la fin la mienne vraiment,

Je suis franco-allemand.

 

 

 

Au commencement 

Il y avait tout au début 

Tout dans l'air 

Le moment l'instant  l'éternité 

Un souffle une expiration

Inspiration 

Et vînt le fracas 

Et le silence 

Et la poussière 

Tout ce que je 

Tout ce qu' il 

Avec tout ce que nous étions

Devînt silence

Eternité 

Souffle expiation 

Inspiration

 

         Quai de gare

 

Elles ont laissé derrière elles, 

Mon sourire mes belles, 

Ce matin, un lundi,... 

Sur le quai, elles ont laissé, 

Mes belles, 

Un baiser, 

Sucré, salé. 

Doux amère.  

Je n'ai fait qu'effleuré du regard. 

Je n'ai pas voulu,...... 

De leur intimité nue,

Sur le quai de gare.

Pas trop. Mais elles ont laissé, 

Mes belles enamourées, 

La liberté du printemps, 

De l'amour dans le vent, 

Et mon sourire dans le train,

 

Un lundi matin.

Les soirs d'avant (jeudi soir à Besançon)

 

 

 

J'ai ruisselé le long de ton toit,

Pris une rigole et le flot

M'a écartée.

En contrebas, sur un bout de roche grise,

J'ai éclaté.

Entre granit et bitume je gîte un peu.

Les voix des caves montent sur mon trottoir

Et les mégots pleuvent dans le caniveau noir.

Encore une fois je déroule ma pente sous les semelles

Et dans la ville mouillée je ruisselle.

Suivant le son rock d'un jeudi bondé

J'éclabousse le flot underground

D'un peuple enfoui sous les capots d'une déesse.

Ils embarquent et moi avec

Sur le zinc, une pinte nous rejoint,

Une perle coule de son bec,

M'enlace ...

Une éponge l'efface.

Et je deviens larme, comme un pleur

Comme un souvenir des virées d'antan

Des cafés concert les soirs de pluie. Avant.

              Passé

 

Tu sais, ils sont passés.

Un jour, un souffle et il reste de la poussière

Sur le bord du chemin il n'y a rien.

Qu'un peu de sable gris ou blanc : rien.

De leur cris, de leurs cavalcades, de leurs biens

Ne reste que la poudre de leurs os blanchis.

Ils s'étaient levés, avaient lancé leurs cris.

A la face du ciel,

Ils ont jeté leurs désirs

Et sous le soleil,

Ils les ont vu mourir.

Et toujours et encore un nouveau vient

Et passe.

Que peux tu dire : rien.

Ils passent.

Comté

 

 

 

Le froid s'est annoncé, il vient sur mon pays

Comme un ami longtemps absent de chez lui.

Dans la plaine, de la brume des étangs émane,

La légende; vieille amie de la veillée bressane.

La plaine entière s'est enrobée de mystère,

Et la montagne toute proche de lumière

Qui nimbe les vieilles sentinelles avancées:

Grandes ombres et hautes tours abandonnées.

Ici, le temps qui passe fait une courte pause,

La même année après année, qui nous impose

Le sentiment qu'un cycle immuable a laissé

La marque de son passage, fins fils givrés,

Qui vont broder de blanc les vignes vendangées

Du Revermont et des profondes reculées.

Plus haut, la montagne devient blanche claire

La bise noire fait craquer les branches centenaires

Et fige dans chaque recoin du haut plateau

Les lacs, les rivières, la moindre goutte d'eau.

Dans ces contrées les âmes sont encore chrétiennes,

Mais la nature tout autour d'eux est païenne.

Elle forge des temples sur les frontons des cascades,

Où, comme on le sent toute la nature parade:

Esprits d'hier et bêtes d'aujourd'hui mêlés.

C'est mon pays où beauté et rudesse sont liées.

De bas en haut on sait encore sans l'avouer,

Que l'homme, de combes en étangs n'est qu'invité.

 

 

Christiane                                                           

 

Dans la douce torpeur des rues infectes de Berlin,     

Une fille seule attendait, faisant le tapin                   

Ses yeux cernés et ses cheveux de rouge sang,        

Un macchabé gagnant sa dose sur des draps blancs.

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